Hérésie
Une hérésie est en premier lieu une école de pensée. Le jardin d'Épicure était une telle haíresis. La traduction latine en est secta, secte.
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Définitions :
- doctrine s'opposant à la doctrine soutenue par l'église (dogme). Ici, pour les catholiques, les protestants sont des hérétiques, ils sont dans l'hérésie parce qu'ils ont adoptée une doctrine qui paraît fausse, ou alors dangereuse à l'église. (source : pagesperso-orange)
Une hérésie (du grec αἵρεσις / haíresis, choix, prédilection pour une doctrine) est en premier lieu une école de pensée. Le jardin d'Épicure était une telle haíresis. La traduction latine en est secta, secte. L'Antiquité n'attache pas de valeur péjorative à ces termes.
La valeur péjorative est née en milieu chrétien avec les premières controverses théologiques dont témoignent Justin de Naplouse et Irénée de Lyon qui ont écrit "contre les hérésies" au IIe siècle. Au IVe siècle les empereurs prendront des mesures contre les hérétiques, volonté de monopole religieux qui interdit la liberté de croyance et la libre opinion.
Dans le contexte antique, la religion étant plus rituelle que dogmatique, l'haíresis n'a pas l'aspect dramatique que revêtira l'hérésie chrétienne. En effet, l'Antiquité polythéiste sépare le mythe de la philosophie. Le monothéisme introduit la théologie, l'étude rationnelle du divin, qui englobe et transcende et ces deux domaines. La théologie permet d'édicter des vérités objectives sur Dieu, les dogmes. Cependant, ces dogmes ne revêtent pas la même importance dans l'ensemble des religions, ce qui explique différentes attitudes comparé à l'hérésie.
- Pour les juifs, l'appartenance au Peuple élu prime sur toute conception théologique, ce qui permet l'existence de sectes aux dogmes ainsi qu'aux pratiques différentes, mais appartenant toujours à l'héritage judaïque.
- Pour les chrétiens, l'Église est le corps vivant du Christ. L'unité dogmatique est par conséquent principale. Toute hérésie étant une atteinte à cette unité, elle est une blessure infligée au corps du Christ, par conséquent un sacrilège.
- Pour les musulmans, il n'existe pas de dogme qui ne soit explicitement contenu dans le Coran, issu des paroles d'Allah, dictées à Gabriel qui les révela à Mahomet. En tout état de cause, l'islam sunnite n'ayant pas de clergé, aucune autorité n'a compétence pour décider de la validité d'une interprétation spécifique du Livre saint.
Dans un contexte chrétien, et par ressemblance dans d'autres contextes, l'hérésie qualifie une situation complexe de conflit et de rupture, qui superpose le plus souvent l'hérésie elle-même (doctrinale : déviance sur le contenu de la foi) et le schisme (disciplinaire : insoumission à l'autorité ecclésiastique légitime). L'hérésie naît d'une divergence entre écoles sur ce qu'est la vérité (formulée par le dogme). Elle se développe à la fois sur le plan intellectuel, par l'opposition irréductible des thèses, et sur le plan communautaire, par l'impossibilité pratique de "vivre en frères" avec les tenants de l'autre école. Enfin, elle s'achève par une situation de rupture sociale paradoxale : de part et d'autre, on reconnaît que la communion entre les parties antagonistes est impossible en pratique, mais resterait indispensable.
La foi étant indispensable au salut, l'orthodoxie est capitale et l'hétérodoxie fait risquer les peines infernales. L'hérésie est le drame des frères ennemis, à la fois frères et ennemis, chacun revendiquant l'héritage authentique du Père. En ceci elle se distingue radicalement des conflits inter-religieux.
Dans l'Antiquité chrétienne, l'association de certaines de ces doctrines au pouvoir politique (après Constantin Ier par exemple) va donner aussi une importance temporelle à ces questions.
Dans le judaïsme
Le concept d'hérésie s'attache aux nombreux faux Messies qui parsèment l'histoire du judaïsme. Principale d'entre elles est celle de Sabbataï Tsevi, fondateur de la communauté nommée les Sabbatéens. Il est contemporain des parents de Baruch Spinoza.
Au XVIIIe siècle, cette hérésie bouleversa les communautés juives d'Europe où prédominaient les Marranes, comme Amsterdam ou Venise. Elle atteignit par conséquent plus les communautés sépharades que les communautés askhénazes.
Culturellement, le judaïsme valorise les discussions et divergences doctrinales, comme l'évoque le dicton "lorsque deux talmudistes se rencontrent, il y a immédiatement trois opinions qui s'affrontent". La divergence d'interprétation est admise ou alors encouragée comme en témoignent les discussions enregistrées dans le Talmud. Après une longue discussion, conçue pour passer l'ensemble des cas en revue, la décision de jurisprudence est votée ; l'avis minoritaire est préservé pour le cas où il pourrait se révéler utile.
D'une façon générale, une hérésie, dans le judaïsme aboutit à une scission, sans véritable conséquence pour les minoritaires, qui sont toujours reconnus comme appartenant au judaïsme, sauf dans les congrégations ultra-orthodoxes contemporaines. Ceci vient de ce que l'appartenance au "peuple élu" se manifeste, en pratique, bien plus par le partage de valeurs sociales (culture et pratique religieuse) et la conscience que ce peuple vit sous le regard de Dieu, que par la référence à un dogme spécifique.
Spinoza est un cas extrême. Baruch Spinoza, fut déclaré Herem, i. e. hérétique par la communauté d'Amsterdam. Cependant, cette condamnation tient plus à l'histoire de ladite communauté, principalement composée de marranes venus du Portugal qu'à l'hétérodoxie des positions de Spinoza, au moins jusqu'à son exclusion.
Dans le christianisme
Dès les premiers temps du christianisme, un certain foisonnement de conceptions théologiques et de pratiques liturgiques provoque des conflits qui amènent à des mises au point. Le concile de Jérusalem en est un premier exemple, mais on peut aussi citer la question plus prosaïque de la fixation de la date de Pâques pour laquelle Irénée de Lyon doit intervenir.
Les dogmes chrétiens sont fondés sur les Écritures et la Tradition. Sont nommés Écritures les textes bibliques de l'Ancien et du Nouveau Testament et Tradition l'héritage oral reçu des apôtres. Dès son origine, le christianisme est confronté à de nombreuses conceptions théologiques hétérodoxes, que ce soit dans le domaine christologique (docétisme, arianisme, nestorianisme, monophysisme), cosmologique (gnose, macédonianisme, manichéisme, bogomilisme, catharisme), ou ecclésial (marcionisme, montanisme, donatisme, etc. ).
La réponse de l'Église à ces contradictions est la réunion de conciles œcuméniques (c'est-à-dire comprenant la totalité des évêques) servant à débattre et de trancher sur les questions controversées. A titre d'exemple, le concile de Nicée, qui s'est réuni en 325, a produit une profession de foi (le Symbole de Nicée) qui clarifie la nature du Christ et désavoue la gnose et l'arianisme. Suite aux affirmations d'Arius, ce Symbole est complété en 381, lors du concile de Constantinople par une précision sur la nature du Saint-Esprit. Le symbole de Nicée-Constantinople est , actuellement, la forme ordinaire du credo des chrétiens.
Dès lors qu'un concile a tranché, toute théologie contraire aux dogmes ainsi définis se trouve de fait hérétique. Quiconque professe et diffuse une telle théologie pèche alors contre l'unité de l'Église. Il est par conséquent passible d'excommunication. Dans la pratique, la lutte contre les hérésies revêt plusieurs formes qui, au contraire de une idée répandue, sont rarement violentes. Les plus communes sont la catéchèse (enseignement d'initiation) et les prêches (discours réalisés surtout au cours des messes).
Face à une spectaculaire recrudescence des hérésies au XIe et XIIe siècles, un ordre religieux, celui des dominicains, est même créé en 1215 dans l'unique but de prêcher auprès des hérétiques.
Dans le même temps, les tribunaux ecclésiastiques sont submergés devant le nombre de cas qui leurs sont soumis, la question de l'orthodoxie dogmatique étant fréquemment délicate. Pour éviter les jugements expéditifs, ou alors les lynchages populaires, une juridiction spéciale, l'Inquisition, est mise en place. Elle est confiée aux frères prêcheurs, dominicains et franciscains.
Si, après instruction de l'enquête (inquisitio) le cas d'hérésie est avéré, le juge rappelle le dogme et demande solennellement à l'accusé d'y adhérer (profession de foi).
Dans le cas où l'accusé accepte de se rétracter, il est condamné à une simple pénitence (généralement sous forme d'actes de dévotion, de charité, ou d'un pèlerinage), sauf s'il s'est rendu de surcroît coupable de conversions forcées ; dans ce cas, il encourt «l'emmurement», c'est-à-dire la prison, peine exécutée par les autorités séculières.
En cas de refus, il est excommunié. Il perd alors toute autorité (qu'elle soit religieuse ou séculière), ne peut plus recevoir (et toujours moins prodiguer) de sacrements. Enfin et en particulier, il est voué à la damnation éternelle.
Le bûcher ne vaut qu'en cas de relaps, c'est-à-dire qu'une personne qui s'est rétractée au cours d'un précédent jugement continue à enseigner sa doctrine hérétique. Ici encore, quand l'accusé est convaincu de relaps, il est remis au bras séculier qui exécute la peine.
À partir de l'édit de Constantin Ier en 313, et surtout à partir du concile de Nicomédie 317 érigé en tribunal, conçu pour imposer à Arius une première confession de foi sous peine d'excommunication. Le dogme a par conséquent été défini comme norme de la "vraie foi" par réaction aux "déviances" des hérétiques.
Plus tard, avec le Ier concile de Nicée, est hérétique une doctrine divergente à l'enseignement officiel d'une Église ainsi qu'à ses dogmes, tel que défini par son autorité (évêque, concile) sur la base de l'Écriture et de la Tradition.
Certains pensent pouvoir généraliser en disant qu'une hérésie est toute doctrine contraire à des conceptions jugées établies sans qu'elles nécessitent la moindre "preuve" : le pouvoir de condamner en tient lieu. L'hérésie (quasi-synonyme d'hétérodoxie) est l'occasion de créer une nouvelle forme d'orthodoxie. Dans le contexte du développement des hétérodoxies des IIe siècle et IIIe siècle, une hétérodoxie devient une hérésie à partir du moment où un concile la condamne. [1]
Dans le catholicisme romain
La bulle Gratia Divina (1656) définit l'hérésie comme «la croyance, l'enseignement ou la défense d'opinions, dogmes, propos, idées contraires aux enseignements de la sainte Bible, des saints Évangiles, de la Tradition (christianisme) et du magistère.» L'Inquisition, tribunal d'exception chargé de la combattre, est l'œuvre du pape Grégoire IX (1231).
Voir aussi : exemplum.
Dans l'islam
Introduction
«Les interprétations du Coran sont multiples. Jamais les commentateurs et les interprètes du Saint Livre ne sont parvenus à l'unanimité sur les lectures envisageables. Car le Coran se prête à de nouvelles interprétations. De nombreuses interprétations qui ont été presque «sacralisées» par la Tradition sont , en réalité, des productions de l'époque médiévale. Et les interprétations qui s'appuient sur les hadiths demandent à ce que soit vérifiée l'authenticité de ceux-ci, certains entrant en contradiction avec le texte même du Coran.»
Ali Asghar Engineer, «À propos de la méthodologie d'interprétation du Coran», Études Musulmanes, 2003
Le penseur indien Asghar Ali Engineer plaide pour que chaque génération se voit reconnu le droit d'interpréter le Coran avec son propre éclairage, à la lumière de ses propres expériences.
Kâfir
La Charte de Yathrib connue sous le nom Constitution de Médine bien que les mots al Medîna n'y apparaissent pas, définit le kâfir ou récalcitrant.
Il est exclu des garanties de sécurité et d'assistance prévue par ce pacte. Entre autres, il ne peut exercer la vengeance selon la loi du Talion.
Un affidé ne tue pas un autre affidé pour venger un kâfir
La raison invoquée est que le kâfir ne se fie ni en Dieu, ni en Mahomet.
Exception
Plus loin dans la charte :
«Ceux des Juifs qui nous suivent ont droit à l'assistance en parité : on ne les lèse pas et on ne s'allie pas contre eux»
Cependant, le document ne sert à désigner jamais ces Juifs alliés de leur nom propre de tribu, mais uniquement par leur relation aux tribus affidées et manifestes une vigilance méticuleuse à leur égard. Au VIIIe siècle, les Juifs de Yathrib faisaient l'objet de discussions et polémiques plutôt que d'un accord tranquille.
Zandaqua
Le terme zandaqua sert à désigner autant, en Perse,
- les doctrines hétérodoxes,
- ceux qui adhèrent aux religions antécédentes à l'islam : mazdéïsme, zoroastrisme,
- toutes sortes de libres-penseurs matérialistes, s'exprimant le plus fréquemment par la poésie compris comme athées.
Seront condamnés sous ce chef d'accusation :
- Ibn al-Muqaffa (mort en 760),
- Bashâr Ibn Burd (mort en 785),
- Abu Nuwâs, (mort en 810),
- Al Mutanabbi (mort en 965),
- Abu Mansur al-Hallaj, (858-922), dont la vie et la passion sont contées par Louis Massignon,
- Al Ma'ari, (mort en 1057),
- Al Suhrawardi (1154-1191)
et quelques oulémas dont :
- le fondateur de la charia, Ibn Hanbal (mort en 855) lorsque le calife Al Ma'mûn (813-833) instaure le motazilisme comme religion d'État.
Fitna
- la fitna veut dire la beauté avec désordre et confusion
- la fitna est l'innovation dans les instructions religieuses
- la fitna est ce qui est condamnable.
Il y a peu de temps, ces dispositions ont conduit un caricaturiste marocain à être condamné par un tribunal religieux excessif.
(*) fermée au IXe siècle dans le sunnisme, ré-ouverte au XVIIe siècle dans le chiisme
Lire aussi condamner le rire est une dérive totalitaire
On se trouve par conséquent devant une aporie car chaque croyant doit s'approprier personnellement le texte du Coran
«Le questionnement des sciences humaines comme les diverses utilisations idéologiques qui sont faites du texte coranique, invitent à une réflexion sur la manière dont le croyant s'approprie la Parole de Dieu. Trop fréquemment, celle-ci est reconnue comme un texte «figé», «passif», tandis qu'une foi vivante doit susciter un véritable dialogue entre le lecteur (ou l'auditeur) et le texte. C'est ce que rappelle Rachid Benzine dans un article que vient de publier la revue Islam, et que nous vous proposons avec l'accord des responsables de cette publication.» Rachid Benzine, Lire le Coran Autrement)
La Foi bahá'íe, fondée sur une base hétérodoxe musulmane shiite, née en Iran en 1844, est persécutée par l'islam au titre d'apostasie.
Notes et références
- ↑ Voir Raoul Vaneigem La résistance au christianisme. Les hérésies des origines au XVIIIe siècle. 1993
Annexe
Bibliographie
- «Le Moyen Âge des hérétiques» dans Les collections de l'Histoire, janvier-mars 2005
- Claude Gauvard, Alain de Libera, Michel Zink, Dictionnaire du Moyen Âge, Paris, PUF, 2002 : articles «hérésies» (p. 667-671), «inquisition» (p. 718-719)
- Barbara Garofani, Le eresie medievali, Roma, Carocci editore, 2008, 145 p.
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