Sacré

Le sacré est une notion d'anthropologie culturale permettant à une société humaine de créer une séparation ou une opposition axiologique entre les différents éléments qui composent, définissent ou représentent son monde : objets, actes, espaces,...



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Définitions :

  • Une valeur associée aux dieux qui sépare les choses concernées (un objet, un acte... ) de la réalité quotidienne pour leur donner un sens... (source : lafitje.free)

Le sacré est une notion d'anthropologie culturale permettant à une société humaine de créer une séparation ou une opposition axiologique entre les différents éléments qui composent, définissent ou représentent son monde : objets, actes, espaces, parties du corps, valeurs, etc. Le sacré sert à désigner par conséquent ce qui est mis en dehors des choses ordinaires, banales, communes, ordinaire; il s'oppose principalement au profane, ainsi qu'à l'utilitaire.

Le sacré a toujours une origine naissant d'une tradition ethnique et peut être mythologique, religieuse ou idéologique (c'est-à-dire non religieuse). Il sert à désigner ce qui est inaccessible, indisponible, mis hors du monde normal, objet de dévotion et de peur.

Différents aspects du sacré

Selon Camille Tarot, le concept du sacré est conçu par les anthropologues contemporains comme la réponse à un ensemble d'expériences propres non seulement aux sociétés archaïques et respectant les traditions ainsi qu'à l'ensemble des autres cultures qui leur ont succédé. Il semble devoir être admis comme une donnée constitutive de la condition humaine, c'est-à-dire comme : "une catégorie universelle de toute conscience humaine", face à sa finitude ainsi qu'à sa condition de mortel.

Sur le plan phénoménologique, nous pouvons entrevoir ce qui, dans les cultures humaines, est visé dans les expériences du sacré : avant tout, le "numineux". Le numineux est un concept avancé par [ (Rudolf Otto) ] et ensuite beaucoup utilisé. Dans son ouvrage Das Heilige - Über das Irrationale in der Idee des Göttlichen und sein Verhältnis zum Rationalen (Du sacré - Sur l'irrationnel des idées du divin et de leur relation au rationnel) publié en 1917, Otto traduit le concept de sacré en référence au latin, où est le terme numen se rapporte à la divinité, soit en un sens personnalisé, soit en référence à la sphèredu divin généralement. Pour Otto, le numineux regarde toute expérience non-rationnelle du mystère, se passant des sens ou des sentiments, et dont l'objet premier et immédiat se trouve en dehors du soi.

Le numineux est aussi, selon Carl Gustav Jung : "ce qui saisit l'individu, ce qui, venant d'ailleurs, lui donne le sentiment d'être", traduisant, donc, une expérience affective d'être. Le sacré entre ainsi selon Camille Tarot dans : "la composition d'une essence, celle de son identité". Cette définition évoque irrésistiblement : "la profondeur ontologique dans laquelle s'enracine le "sentiment" du sacré et par conséquent l'importance de ce dernier dans l'ensemble des cultures".

Sur le plan historique, "tantôt il [le sacré] semble s'identifier ou se confondre avec le divin : c'est le cas des religions archaïques, tantôt c'est le sacré qui s'estompe au profit du divin ou de la transcendance : c'est le cas des formes religieuses qui relativisent mythes et rites ou préconisent l'accès au divin".

Pour Roger Caillois, il n'existe que deux attitudes face au sacré : le respect de l'interdit ou sa transgression. Si l'Homme fait l'expérience du sacré, c'est qu'il veut exactement échapper à sa condition d'être fini et mortel; pour ce faire, il y a a priori trois solutions : le tabou (totémisme), la magie (animisme) et la religion (en particulier les religions dites naturistes).

Enfin, toujours pour Camille Tarot, le sacré serait à l'origine du fait religieux, lequel serait à reconnaître : "dans la conjonction du symbolique et du sacré".

Dans les religions romaine et grecque, sont sacrés les objets qui ont été officiellement et par un acte rituel, retranché du monde profane pour en donner la propriété à une divinité[1]. Dans le christianisme, l'expression le sacré sert à désigner particulièrement l'Eucharistie.

Cette notion est actuellement utilisée de façon plus générale dans d'autres contextes : une nation peut définir comme sacrés ses principes fondateurs ; une société peut définir comme sacrées certaines de ses valeurs ; etc. Les anthropologues contemporains disent d'ailleurs que la notion de sacré est trop floue pour pouvoir être utilisée dans l'étude des religions — même s'ils continuent à travailler dessus.

Les éléments du sacré sont le plus souvent reconnus comme intouchables : leur manipulation, même en pensée, doit obéir à certains rituels bien définis. Ne pas respecter ces règles, ou alors agir à leur encontre, est le plus souvent reconnu comme un péché ou crime réel ou symbolique : c'est ce qu'on appelle un sacrilège. Le pire des sacrilège est la profanation, qui est défini comme l'introduction d'éléments profanes dans un enceinte sacrée (réelle ou symbolique).

Pour Durkheim[2], les représentations religieuses sont en fait des représentations collectives : l'essence du religieux ne peut être que le sacré, tout autre phénomène ne caractérise pas l'ensemble des religions. Le sacré, être collectif et impersonnel, représente ainsi la société elle-même.

«Les choses sacrées sont celles que les interdits protègent et isolent, et les choses profanes étant celles auxquelles ces interdits s'appliquent et qui doivent rester à l'écart des premières.

La relation (ou l'opposition, l'ambivalence) entre Sacré et Profane est l'essence du fait religieux.

»

— Émile Durkheim

Le sacré selon Mircéa Eliade

Les hiérophanies

«On pourrait dire», écrit Mircea Eliade, «que l'histoire des religions, des plus primitives aux plus élaborées, est constituée par une accumulation de hiérophanies […] L'occidental moderne éprouve un certain malaise devant certaines formes de manifestations du sacré : il lui est complexe d'accepter que, pour certains êtres humains, le sacré puisse se manifester dans des pierres ou dans des arbres. Or, […] il ne s'agit pas d'une vénération de la pierre ou de l'arbre en eux-mêmes. Les arbres sacrés ne sont pas adorés comme tels ; ils ne le sont précisément que parce qu'ils sont des hiérophanies, parce qu'ils “montrent” quelque chose qui n'est ni pierre ni arbre, mais le sacré, le ganz anderes[3]

Et Eliade d'ajouter :

«On n'insistera jamais assez sur le paradoxe que forme toute hiérophanie, même la plus élémentaire. En manifestant le sacré, un objet quelconque devient autre chose, sans cesser d'être lui-même, car il continue de participer à son milieu cosmique environnant. Une pierre sacrée reste une pierre ; apparemment (plus précisément : d'un point de vue profane) rien ne la distingue de l'ensemble des autres pierres. Pour ceux auxquels une pierre se révèle sacrée, sa réalité immédiate se transmue au contraire en réalité surnaturelle[4]

Mais hormis ces considérations sur l'aspect duel de l'objet sacré, Eliade, en dépit d'une œuvre énorme dédiée au sujet, ne dit, par contre, jamais rien sur la nature probable de «cet autre chose», invisible, qui irradie, effectivement, de l'objet en question. Quant aux forces qui déterminent le profane «à devenir une hiérophanie, ou a cessé de l'être à un moment donné[5]», Eliade reconnaît explicitement que «le problème dépasse la compétence de l'historien des religions[6]».

Stonehenge au solstice d'été en Angleterre (non loin de Salisbury, Comté de Wiltshire)

Selon Daniel Dubuisson, l'approche eliadienne, compte tenu de son incapacité foncière à définir «quels principes, quelles règles, quels mécanismes régissent la disposition et l'organisation[7]» de ce phénomène, conduit l'historien des religions sur une voie sans issue.

La nature relationnelle des hiérophanies

«La seule chose qu'on puisse affirmer valablement» à propos du sacré, écrit Eliade, «c'est qu'il s'oppose au profane[8]».

Selon Albert Assaraf une telle explication reste principalement à la périphérie du phénomène. «Autant, dit-il, expliquer le feu – comme le faisaient jadis les aristotéliciens – en l'opposant à l'eau ; la terre, en l'opposant à l'air…[9]»

Toujours selon cet auteur, la grande erreur d'Eliade – erreur d'où découleront les séries d'impasses précitées – est exactement là, dans sa tentative d'expliquer le sacré en l'opposant au profane, comme si sacré et profane étaient deux entités différentes que rien ne peut rapprocher tandis que sacré et profane découlent d'un phénomène commun : à savoir la propension qu'ont les signes de lier et de délier les hommes.

«C'est à cause de notre prédisposition innée, dit-il, à classer les objets du monde selon une échelle de force [verticale], qu'une simple pierre finit par désigner quelque chose de "tout autre" qu'elle-même. Et ce "tout autre", c'est le lien ; c'est la quantité d'énergie ligative qui se dégage d'un signe à un moment donné de son histoire. [10]»

Même Eliade, fait remarquer Albert Assaraf, n'est pas sans admettre implicitement l'origine relationnelle du sacré :

«Il subsiste, écrit Eliade, des lieux privilégiés, qualitativement différents des autres : le paysage natal, le site des premières amours, ou une rue ou un coin de la première ville étrangère visitée dans la jeunesse. Tous ces lieux gardent, même pour l'homme le plus franchement non-religieux, une qualité exceptionnelle, «unique» : ce sont les «lieux saints» de son univers privé, comme si cet être non-religieux avait eu la révélation d'une autre réalité que celle à laquelle il participe par son existence quotidienne[11]

«Paysage natal», «site des premiers amours», «une rue ou un coin de la première ville étrangère visitée dans la jeunesse», ne sont-ce pas là tout simplement des objets d'attachements initiaux que l'esprit humain place particulièrement haut sur une échelle imaginaire verticale ?

Il paraît urgent de rappeler, en lisant ces lignes, que l'expérience du sacré est celle de la transcendance : l'ouverture sur l'absolu. Il est évident qu'une telle notion ne peut pas être définie puisque le fini n'a pas la capacité de décrire l'infini. Mais aussi René Guénon l'a souligné, on ne peut avoir recours qu'à une formule négative : "l'infini est ce qui n'a pas de limite". Affirmer que La nature du sacré est mystérieuse serait un pléonasme. Aussi est-il aisé de comprendre que Mircéa Eliade ait dû utiliser une comparaison approximative en évoquant ce qui n'est qu'un sentiment de la notion de sacré. Une confusion est-elle envisageable quand l'éminent historien des religions ajoute : "Le Monde n'est pas un Chaos mais un Cosmos (... ) cette œuvre divine garde toujours une transparence, elle dévoile spontanément les multiples aspects du sacré. Le Ciel révèle directement, "naturellement", la distance illimitée, la transcendance du dieu. La Terre, elle aussi est transparente : elle se présente comme mère et nourricière universelle. Les rythmes cosmiques manifestent l'ordre, l'harmonie, la permanence, la fécondité. Dans son ensemble, le Cosmos est à la fois un organisme réel, vivant et sacré : il découvre à la fois les modalités de l'Etre et de la sacralité. "

Pour conclure cette brève intervention, l'ouvrage de Monsieur Albert Assaraf, dont le titre Le Sacré, une force quantifiable? annonce une assimilation du qualitatif au quantitatif, pourrait avantageusement s'intituler La Lumière est-elle obscurité?

Cela dit, attention à ne pas confondre l'"expérience" du sacré et la "force" qui irradie de l'objet sacré. L'une est , effectivement, impossible à définir comme il est impossible de définir ce qu'on ressent face au bleu du ciel ; l'autre, par contre, comme l'explique Albert Assaraf, est idéalement quantifiable suivant une échelle de force de 1 à 10, de la même manière que la longueur d'onde du bleu du ciel est idéalement quantifiable.

Utilisation courante

Le terme est quelquefois utilisé par extension, peut-être par des non-croyants, pour qualifier des valeurs qui paraissent principales à une civilisation (exemple : Le respect de la propriété est une chose sacrée, etc. ).

Il apparaît en ce sens dans la Marseillaise au 6e couplet :

Amour sacré de la Patrie
Conduis, soutiens nos bras vengeurs !
Liberté, Liberté chérie,
Combats avec tes défenseurs !

Notes et bibliographie

  1. Jon Scheid, Le Culte des sources et des eaux dans le monde romain, in Diffusion des cours du Collège de France, Religion, institutions et sociétés de la Rome antique, n° 2
  2. Émile Durkheim - Les Formes élémentaires de la vie religieuse, 1912 — lire en ligne et Émile Durkheim - De la définition des phénomènes religieux[pdf] lire en ligne
  3. Mircéa Eliade, Le sacré et le profane, Paris, Gallimard, 1957, p. 17.
  4. Ibid. , p. 18.
  5. Cf. Mircea Eliade, Traité d'histoire des religions, Paris, Payot, 1964, § 4
  6. Mircea Eliade, Le sacré…, op. cit., p. 12.
  7. Daniel Dubuisson, Mythologies du XXe siècle, Lille, Presses Universitaires de Lille, 1993, p. 259.
  8. Mircea Eliade, Traité d'histoire des religions, Paris, Payot, 1964, p. 12.
  9. Albert Assaraf, «Le sacré, une force quantifiable ?», Médium, n° 7, Paris, Editions Babylone, 2006
  10. cf. Albert Assaraf, «Le sacré, une force quantifiable ?», Médium, n° 7, op. cit. , p. 42.
  11. Mircea Eliade, Le sacré et le profane, op. cit. , pp. 27-28.

Voir aussi

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